Christophe Lancel quitte la direction du Casino de Fribourg.
Lundi 30 décembre 2024
«Plutôt un au revoir qu’un adieu»
Christophe Lancel a tenu la barre du Casino de Fribourg pendant seize ans. Interview par le journal La Liberté.
Propos recueillis par Lise-Marie Piller
C’est une rareté dans le milieu. Christophe Lancel a été directeur du Casino de Fribourg pendant seize ans et demi, alors que la durée moyenne varie d’ordinaire entre cinq et dix ans, relève-t-il. Interview de cet habitant de Neyruz, électronicien de formation et Lyonnais d’origine, qui vient de transmettre le flambeau.
Pourquoi partir?
Je suis resté très longtemps à Fribourg car je voulais y développer mes compétences, puis on m’a proposé de reprendre la direction du deuxième casino de France à Blotzheim, à la frontière avec la Suisse et l’Allemagne. Je déménagerai début janvier, mais je garde un fort attachement au canton et serai à moins de deux heures de route. C’est donc plutôt un au revoir qu’un adieu. Je garde un excellent souvenir des équipes, qui ont même fait une pétition pour que je reste.
Rappelez-nous comment vous avez atterri ici?
J’étais directeur d’un casino au Touquet, dans le Nord-Pas-de-Calais, et j’avais eu l’occasion de venir en Suisse à plusieurs reprises. J’avais toujours dit que si un poste se libérait dans le pays, je serais intéressé.
Qu’avez-vous appris durant ces 16 ans?
L’adaptation, autrement dit, la capacité à être au plus près des problématiques et enjeux. La Suisse a aussi le sens du détail, ce qui m’a aidé à affiner l’exécution de mes projets.
Quels ont été les moments marquants?
Nous avions un projet d’agrandissement (ambitionnant de doubler la surface, ndlr), mais au moment où nous avons reçu le feu vert en 2009, les casinos de Neuchâtel et de Zurich ont vu le jour. Or, comme nous voulions aller chercher des clients extra-cantonaux, ce projet n’était plus pertinent. Nous avons donc effectué une petite extension de la salle de jeu et créé un restaurant de 120 places ouvert à tous. Il y a aussi eu le Covid: nous avons dû fermer le casino le vendredi 13 mars 2020, alors qu’il était plein.
Comment les jeux, la clientèle et les collaborateurs ont évolué?
Quand le casino a ouvert en 2003, le smartphone n’existait pas. Les jeux ont évolué avec l’avènement des écrans plats, des logiciels et d’internet. La clientèle s’est un peu réduite au fil du temps et la nouvelle génération est plus numérique et interactive. Elle recherche des curiosités, de l’ambiance et du divertissement, ce qui nous amène à proposer beaucoup de nouveautés: jeux interactifs, soirées spectacles – par exemple avec des chippendales, etc. La roulette reste le jeu le plus apprécié, car il s’agit du plus généreux en matière de gains. Actuellement, il y a une cinquantaine de collaborateurs alors qu’ils étaient une septantaine en 2010.
Et la sécurité?
Depuis 2012, les machines ne redistribuent plus de sous, mais des tickets valables dans le casino et à la caisse, ce qui a permis de réduire le cash et les risques pour nos salariés et clients, même si l’établissement est bien doté en matière de sécurité. Heureusement, il n’y a jamais eu de problème.
Dans une interview en 2010, vous expliquiez que les casinos vivaient une période difficile. La situation s’est-elle améliorée?
Non, mais nous sommes toujours là, ce qui prouve que nous avons gagné des batailles, même si la guerre est permanente. Durant ma carrière à Fribourg, le covid a été de loin l’élément qui a eu le plus d’impact. Cette période a coïncidé avec l’émergence des jeux en ligne, dont l’exploitation a été autorisée en Suisse dès 2019. Depuis, nous avons retrouvé des couleurs, mais pas le niveau d’activité d’avant-pandémie.
Comment cela se traduit-il en chiffres?
L’établissement a fait un peu moins de 15 millions de francs de chiffre d’affaires l’année passée, alors qu’avant le Covid, il en faisait environ 20 millions. Le record de 30 millions a été enregistré en 2010.
Vous parlez aussi de l’augmentation du nombre de personnes exclues de jeu d’argent. Les dispositions légales sont effectivement de plus en plus exigeantes. Or, certains joueurs en ligne n’aiment pas donner des documents financiers personnels à des entités qu’ils ne connaissent pas. Conséquence: ils n’ont plus l’autorisation de jouer en Suisse, ce qui nous enlève de la clientèle.
Avez-vous toujours un espace fumeurs?
Oui, il s’agit de l’espace le plus fréquenté de l’établissement: les clients peuvent y fumer et jouer, mais il n’y a pas de service.
Quel est le plus gros gain que vous ayez vu dans ce casino?
Un dimanche matin, une habituée a remporté un peu plus de 120 000 francs sur une table de poker grâce à une cagnotte qui n’avait pas été gagnée depuis longtemps. Nous avons célébré cela comme il se doit, avec du champagne et des confettis.
Combien d’argent le casino a-t-il reversé à Coriolis infrastructure, association de communes pour la politique culturelle dans l’agglomération de Fribourg, selon l’accord qui vous permet un allégement fiscal?
De 2003 à 2025, ce qui couvre la première concession du casino, environ 26 millions ont été versés.
Parlez-nous de votre successeur Cyril Lecherf. Nous avions travaillé ensemble au Touquet. Il a postulé à Fribourg comme croupier et a progressivement gravi tous les échelons. Son parcours est assez atypique dans la profession.
(source : laliberte.ch/Lise-Marie Piller)